Comprendre les médias

  

Quand l'Edipresse déchaînée
dévore ses propres créatures

Peu de gens s'en sont aperçus pour l'instant, mais "Le Matin" a pour rédacteur en chef un humoriste, un vrai.

Ainsi, peu après avoir peint Christophe Blocher en rebelle opposé au système (1), le patron du Petit Journal décidait de se lancer &endash;et de lancer avec lui son mini-quotidien&endash; dans une énergique campagne de dénonciation, avec affichettes, éditoriaux et preuves toutes plus accablantes les unes que les autres, contre… Jérôme Rudin.

Après la fillette sauvagement étranglée par son yoyo ball (mars), après l'apocalypse promise pour le G8 (mai), après le conseiller national François Lachat accusé d'excès de vitesse en état d'ivresse et en string (août), après Miss Suisse et ses siliconneries (septembre), le peintre du dimanche de la bonne société lausannoise devenait le leitmotiv d'une semaine à la une du Blick romand. Quelles révélations !

Spécialiste des arnaques à la renommée (offrir un tableau à une célébrité pour se vanter ensuite de la compter parmi ses acheteurs), de la commercialisation de son «carnet d'adresses» (fétiche moderne, souvent peu efficace, comme tout gri-gri), du retard colossal dans le paiement de ses fournisseurs, le (de moins en moins) jeune dandy est sans doute un escroc. Mais bon, gruger les plus naïfs et les moins cultivés des bourgeois n'est pas un crime, et prendre aux riches est déjà la moitié du programme politique de Robin des Bois.

Au plan artistique, les connaisseurs s'accordent à dire qu'il étale de la daube sur ses toiles, mais cela n'apporte rien au débat : il est loin d'être le seul dans son genre. Qu'il ne soit même pas capable de produire ses croûtes lui-même n'est de ce point de vue qu'un élément décoratif, superflu, dans le portrait du tout petit maître.

Valeur d'échange sans la moindre valeur d'usage

La vraie question dans ce genre d'affaires est de savoir comment s'est établie la renommée de la semi-vedette en question, car dans l'économie de la notoriété, le bruit autour de la personne a plus de valeur que la personne elle-même. C'est pourquoi "La Distinction", toujours en pointe dans le journalisme d'investigation, a plongé pour vous dans la jungle des archives.

Ces dernières années, les apparitions de JR dans la presse romande ont été innombrables. Faute d'accès aux grandes bases de données des éditeurs, nous n'avons pu dresser qu'un tableau sommaire, mais néanmoins parlant de l'érection de la statue médiatique du Rudin. Ces données confirment les intuitions du commun des mortels. Voici les chiffres :

 

Tableau 1
Articles consacré à Jérôme Rudin dans les journaux édipressés et apparentés (1998-2003)

Organe

Articles

Nb de signes

"Le Matin"

23

46'644

"24 Heures"

9

28'333

"Le Temps"

4

25'028

"Tribune de Genève"

2

2'263

Un produit lausannois, inexportable

Première constatation : une fois de plus, le pyromane crie à l'incendie. Très loin devant les autres, c'est bien "Le Matin" qui rudinise le plus ardemment, suivi par "24 Heures". Notre «Mozart du pinceau» est bien une création lausannoise, et sa notoriété s'effiloche au fur et à mesure que l'on s'éloigne de l'avenue de la Gare (1001). On notera le score remarquable du quotidien «de référence» qu'est "Le Temps", qui consacre au personnage des articles peu nombreux mais de grande ampleur, remplis d'abord de psychologie de bazar, puis de moralisme indigné : c'est sans doute cela le fameux people-haut-de-gamme, à la fois saint-graal convoité et oxymoron inaccessible qu'ont quêté en vain tant d'éditeurs ces dernières années.

Bien sûr, sont mêlés ici des portraits développés (parfois critiques) et des chroniques imbéciles du genre «Où portez-vous votre portable ?», «Qu'offrez-vous à votre génitrice pour la fête des mères ?» ou «Quel est votre plus grand défaut ?», qui accordent un espace variable aux inévitables PLVF (Personnalités locales en voie de formation). Les plus belles pièces dans cette collection de saynètes sont la présence de JR à l'inauguration de la confiserie Mojonnier (rue Saint-Martin) et sa collaboration, répercutée dans toute l'Edipresse romande, à la promotion du blanc de la Viticole de Perroy. Nous sommes ici au cœur de la névrose provinciale.

Peu importe dans notre perspective le contenu des articles ; les sous-entendus grivois, la pataude ironie, l'explication intelligente des manigances du tâcheron de la palette ou les vacheries à peine dissimulées, tout concourt à sa célébrité : seule la quantité prime dans le pipeule.

La négation des compétences

Le deuxième tableau, avec ses morceaux choisis (sauf mention contraire, les propos entre guillemets sont attribués à Jérôme Rudin), permet de comprendre le processus de création des beautifoules and notoriousses. 

Tableau 2 : morceaux choisis parmi les articles consacrés à JR

Date Média Signature Titre Nombre de signes

20.01.98 Le Matin Patricia Gnasso La vie en bleu 4373

C'est un jeune peintre heureux : à 23 ans, il a déjà exposé une dizaine de fois, à Rome et à Paris, entre autres. Monaco s'apprête à accueillir cinquante de ses toiles (...) «Non. Il est vrai que je suis plutôt content, même si, en visitant bien des expositions de la région, j'ai davantage envie d'acheter les autres que moi-même. Aujourd'hui, je pense qu'on pourrait qualifier de bons tableaux seulement 10 % de ma production. Mais je tiens à poursuivre ma voie, à m'améliorer. J'ai aussi envie de signaler ce que je fais, j'estime qu'il faut savoir bien parler de soi.» (...) L'an dernier, son exposition à l'Espace Cardin, à Paris, a connu quelque succès et lui a permis de faire des rencontres, ainsi Françoise Sagan. Il s'en félicite, en parle spontanément tout en tenant à préciser qu'il ne veut surtout pas qu'on le prenne pour un peintre mondain.

28.03.98 24 Heures Gilbert Salem Le bleu réinventé par Jérôme Rudin 1491

Par un hasard mystérieux et en ce même 1er avril, le jeune peintre Jérôme Rudin, de Montreux, inaugurera le vernissage d'une exposition importante pour lui de ses tableaux sur le Rocher de Monaco. À vingt-quatre ans, Rudin est déjà célèbre dans les milieux les plus huppés et gominés des beaux-arts de Lausanne, de Rome et de Paris réunis. Roger Peyrefitte et Françoise Sagan ne jurent que par sa vive perspicacité de jouvenceau qui aurait mûri tout seul, peut-être trop vite ; par sa façon «sombre», «inquiétante» (Sagan dixit) de travailler et réinventer la couleur bleue, en y amalgamant du sable, du plâtre, du sucre, des écorces, des cartes bancaires.

23.04.98 Le Matin Jeff Gianadda Art et couronne 3154

Né il y a à peine vingt-quatre ans à Lausanne, mais travaillant à Montreux, l'artiste aux yeux aussi bleus que ses toiles a accueilli en visite privée Albert de Monaco.

05.07.98 Le Matin Bernard Pichon Le bouquin de cœur de Jérôme Rudin 1624

Peintre de la jet-set, le Romand cultive ses rêves et son imaginaire par la lecture. (...) Quels auteurs trouve-t-on dans votre bibliothèque ? «En dehors de ceux que je viens de citer, Françoise Sagan, Françoise Giroud, Gilbert Salem, qui a si bien célébré l'amitié dans A la place du mort. Mais, sur mes rayonnages, les revues d'art occupent aussi une grande place.»

12.09.98 24 Heures Anne-Marie Philippe Quand les rêves se teintent en bleu… 1338

Jérôme Rudin crée depuis l'âge de 16 ans. Il aime les mélanges et s'amuse à travailler des matières telles que le sable, la résine, le plâtre ou l'écorce d'arbre. Cette recherche d'une alchimie idéale lui permet d'explorer les mille et une facettes d'une couleur qu'il affectionne et domine son œuvre : le bleu.

23.11.98 Le Temps Laurent Wolf Un jour, Jérôme Rudin a eu envie de commencer sa vie 6659

Pendant six mois, il a caché la vérité à sa famille. Cette période reste pour lui l'aigre expérience du mensonge. Il y revient souvent. Parce qu'il veut être sincère. Pour lui, un artiste qui mérite ce nom doit être sincère. «J'ai triché quand je manquais l'École de commerce. Cela m'a servi de leçon», dit-il. (…) Jérôme Rudin tourne autour du bleu comme on tourne autour d'une question essentielle sans pouvoir lui trouver de réponse. Il y a dans cet effort un acharnement personnel qui n'a plus aucun rapport avec les mondanités ou les conversations de vernissage.

24.12.98 24 Heures Anne-Marie Philippe Jérôme Rudin, peintre et jeune amant 5497

«En ce moment je vends des décorations de Noël à la Placette. Cela me permet de payer le loyer de mon atelier. Ça, ce sont les réalités de la vie. Cela ne m'empêche pas de prendre le thé avec le prince Albert au palais de Monaco. N'est-ce pas un bel équilibre de vie !»

04.03.99 24 Heures Françoise Jaunin Le Musée de Pully fête ses 50 ans 293

A l'autre bout de l'échelle des âges, on trouve trois jeunes «espoirs», au rang desquels l'inénarrable Jérôme Rudin à qui l'on ne saurait trop conseiller (ses tableaux récents ne montrant pas d'évolution depuis ses débuts) de sauter quelques mondanités pour se remettre sérieusement au travail.

03.06.99 24 Heures Gilbert Salem Le cœur d'enfant de Jérôme Rudin 7257

À 25 ans, ce peintre lausannois expose et vend ses tableaux dans les hauts lieux de l'art européen, mais à cause de sa fréquentation assidue de la jet-set, il est en Suisse l'objet de quolibets. Ambitieux en diable, il n'est pas prétentiard. Il est et se proclame artiste. (…) Certes, il adore les belles actrices, les gens de culture célèbres en Suisse, en France et ailleurs. Dans les halos mordorés des réunions salonnardes de Paris ou de Monte-Carlo, il éprouve, probablement avec un cœur d'enfant, une sorte de reconnaissance affective qui lui avait peut-être manqué à l'époque où, à Lausanne, son gagne-pain consistait justement à vendre du pain à la Placette… (…) Tout aussi importants pour sa carrière mondaine, mais encore plus pour sa spirale artistique avaient été, dès 1991 en Suisse, ses premiers dialogues avec le mécène Asher Edelman du regretté Musée d'art contemporain de Pully, ou avec Jean-Jacques Treyvaud, patron de la Banque Cantonale Vaudoise et grand amateur d'art éclairé, ou encore la famille hôtelière Fassbind.

04.07.99 Le Matin Jeff Gianadda Jérôme Rudin ne rime pas avec Pierre Cardin 4524

Comme il en a pris l'habitude auprès de quelques rédactions romandes, le jeune peintre lausannois Jérôme Rudin nous contacte, il y a quelques jours, pour nous offrir un «scoop» : il est appelé à orner de ses toiles le prochain Maxim's que Pierre Cardin ouvrira en automne à Monaco.

22.11.99 24 Heures Anne-Marie Philippe Jérôme Rudin, vedette d'un dîner 1307

S. A. la princesse Soraya Esfandiary, dont les apparitions se font rares, a choisi les œuvres de l'artiste suisse pour les accrocher dans la nouvelle aile qu'elle a fait construire dans sa demeure de Marbella.

08.12.99 24 Heures Françoise Jaunin Jérôme Rudin fait dans la coïncidence 6542

«C'est l'exemple le plus monstrueux de plagiat que j'ai vu jusqu'ici, s'emporte Jacques Treyvaux, président du conseil d'administration de la BCV, grand amateur d'art et fin connaisseur de la scène artistique vaudoise (…) Ce type est un imposteur, mais je suis tout aussi furieux contre les journalistes et les galeristes qui entrent dans son jeu de dupes. Le «phénomène» Rudin est un montage complètement frelaté. Il est infiniment meilleur en jet-set qu'en peinture. Tant qu'à faire, il ferait mieux de s'acheter une photocopieuse couleur.»

16.12.99 24 Cités Le cri de la mouette

On peut se demander jusqu'où ira ce jeune "paon" des soirées mondaines pourqu'on parle de lui. Le seul talent d'imposteur ne devrait pas suffire pour paraître dans les magazines. Pour mettre fin à cette mascarade, il conviendrait de boycotter celui dont le "don" est surtout de sourire sur la photo…

3.05.00 Coopération Natacha Salagnac «J'ai envie de faire rêver»

Il lâche que l'autre soir José Dayan lui a demandé de faire un bout d'essai pour tenir le rôle du jeune amant dans le film sur Marguerite Duras qui va être réalisé avec Jeanne Moreau.

09.07.00 Le Matin Bertrand Monnard Comment Jérôme Rudin a conquis la jet-set 9224

Finalement, oui : juste avant de partir pour Paris, Jérôme Rudin (25 ans), jeune peintre vaudois et star de la jet-set parisienne et d'ailleurs, a trouvé un petit moment pour nous parler. Quelle aubaine dans un agenda surchargé ! Il vient de signer les étiquettes d'une nouvelle série de bouteilles de l'Union viticole de Perroy, baptisée «Artvin», qu'il a lancée à l'occasion d'une petite surprise-party au château d'Allaman, réunissant 500 amis environ et patronnée par la famille de Savoie (…) «Le Tout-Miami a découvert Jérôme Rudin dans une atmosphère très jet-set. En vedette, Ivana Trump, qui s'est offert deux toiles pour son loft new-yorkais.» Et Jérôme de vous raconter ça, d'une voix posée, presque lasse, comme si ça allait de soi, en faisant nonchalamment tinter les glaçons de son J&B (…) Dire que sa surmédiatisation agace le microcosme de la peinture romande, si discret, qui cultive comme nul autre le mythe de l'artiste maudit, relève de l'euphémisme. «Dans sa peinture, il n'a tout simplement rien à dire», tranche une spécialiste (…) «En dehors de son côté mondain, de son désir d'être reconnu, il a du talent, certaines de ses toiles sont sublimes. Mais, ici, on aime couper les têtes qui dépassent», relève André Gilliéron, totalement hors jet-set, qui l'a exposé à Ropraz. (…) Fête des Vignerons, soirée de l'an 2000 à la TSR… Vous avez besoin d'un peintre ? Rudin est toujours là. (…) Beau gosse, il sait par-dessus tout jouer de sa séduction, il pratique à la perfection l'art du baisemain et du compliment qui fait mouche. Surtout auprès des femmes d'âge beaucoup plus mûr que lui, comme Ursula, Françoise et les autres. (…) Son amie, une célèbre juriste lausannoise, a trente ans de plus que lui. Jouant les coquettes, Jérôme, ce jour-là, désire ne pas en parler face à son deuxième J&B désespérément vide. Mais il suffit de se tourner vers un long reportage que les tourtereaux avaient accordé à L'Illustré.

23.10.00 Le Matin Olivier Grivat Un poisson nommé Rudin 1731

«C'est le côté éminemment ludique du projet qui me passionne, confie le peintre. Travailler non plus sur une toile plate et carrée, mais sur une forme définie et tout en rondeur, c'est le défi qu'il me plaît de relever. Je sais que je serai critiqué, mais cette forme de communication autour du poisson-passion permet de créer des échanges. C'est un symbole qui peut se décliner dans toutes les positions, horizontales ou verticales et même en mobile flottant au gré du vent.»

28.10.00 TVGuide Anne-Marie Philippe L'apéritif impertinent de Jérôme Rudin

JR, artiste peintre, nage comme un poisson dans l'eau dans le monde de la jet set. Il présentera prochainement une émission people sur le TSR. «Nous commencerons par de sportraits de stars filmées dans leur chalet de Gstaad ou d'ailleurs.»

26.11.00 Le Matin Olivier Grivat Jérôme Rudin prend le Tout-Paris dans ses filets 1417

Promesse tenue, Jérôme Rudin, le «peintre de la jet-set», a réuni un parterre de choix vendredi soir au faubourg Saint-Honoré, pour faire découvrir au Tout-Paris ses sculptures géantes. (…) «C'était une superbe soirée. J'ai de quoi faire des jaloux pendant longtemps», sourit le jeune Lausannois (réd. : 26 ans seulement mais beaucoup de maturité), conscient d'attirer parfois les foudres des milieux artistiques. «Je sais que je dérange, mais ma démarche est de véhiculer une image, de communiquer et de créer des échanges autour d'une passion-poisson.»

07.01.01 Le Matin P. Bertschy, B. Willa En 2001, ils rasent gratis ! 696

On s'était juré, puis on a craqué : le cas du si jeune Jérôme Rudin est trop beau pour qu'on le laisse aux autres. Pensez ! Un éphèbe vaudois qui encrasse impunément la vie des riches à coups de taches de peinture bleue, il ne fallait pas louper. Mais, angoisse, que dire de lui ? On a bien pensé à son catogan, à ses pinceaux (à moins que ce ne soit l'inverse), à ses femmes mûres et à ses boniments, mais c'est connu, et ça lui fait encore du biscuit pour son press-book (qu'il exhibe devant n'importe qui n'importe quand). Alors, d'un commun accord, on a décidé de parler de son avenir artistique, en se limitant, prudents que nous sommes, à l'année 2001. Voilà qui est fait.

28.04.01 Le Temps Françoise Boulianne Jérôme Rudin : Rastignac de la peinture 7419

Comme le héros de Balzac, l'artiste vaudois est parti à la conquête du monde - et des mondains. À 26 ans, il n'a pas l'âge de dire encore ses Illusions perdues. Touché, il s'est relevé. Moqué, il s'est remis en question. Et toujours, il est retourné à ses pinceaux. (…) Car il agace, et le paie cher. Les médias dont il croit avoir besoin se sont montrés aussi redoutables manipulateurs que lui, faisant semblant d'écouter pour mieux châtier ensuite. Mais il va au-devant de leurs coups avec une telle obstination qu'il faut bien lui reconnaître des mobiles en béton. Et du courage. (…) 1997-2001: nombreuses expositions, de Paris à Singapour, en passant par Ropraz, Miami et Allaman. (…) 14 janvier 2001: dimanche.ch puise dans son dossier aux poursuites pour lui régler son compte.

19.06.01 Le Matin Pascal Pellegrino Rudin à la porte ! 664

L'actualité pour l'artiste, c'est aussi la création d'une ligne de coupelles en étain poli portant son nom, ligne de prestige qu'il présentera le 9 juillet à Paris et dont Ursula Andress et Ophélie Winter pourraient être les marraines.

14.07.01 Le Matin XXX Prince à Paris 631

Avant-hier, l'artiste suisse romand a réuni le Tout-Paris au club de Régine pour une soirée de prestige liée à sa dernière création : une gamme de coupelles en étain poli. Prince d'une nuit, vêtu d'un ensemble excentrique de Versace, Jérôme Rudin a accueilli la star de la soirée, l'actrice Béatrice Dalle

11.08.01 TVGuide XXX Courrier des lecteurs

Un professeur d'arts visuels de Pully : «Jérôme Rudin ets un barbouilleur-bricoleur opportuniste, prétentieux, sans talent ni connaissances esthétiques.» Réponse de TVGuide : «Il ne nous appartient pas de juger du travail de JR. Etant donné que ce qu'il produit intéresse des amateurs d'arts, et pas des moindres, il nous paraît logique de le citer en tant qu'artiste.»

26.10.01 Le Matin Sylvia Freda Soraya est morte 932

L'artiste suisse Jérôme Rudin la côtoyait et la connaissait depuis plusieurs années. «Elle ne supportait pas qu'on lui parle de son histoire. «Dans la jet-set et dans la société parisienne qui l'avait accueillie et adoptée, il y aura désormais un immense vide. Elle nous manquera vraiment.»

21.11.01 Le Matin Sylvia Freda Le chouchou de la jet-set 4212

Gigolo notoire, Gargia a réussi à entrer [dans la jet-set] grâce à des femmes très riches qui l'ont follement aimé, et qui lui ont ensuite tout laissé. Peintre obstiné, Rudin a réussi à y faire sa place à force de charme et de persévérance. (…) Avoir un physique avantageux est certes un complément qui n'est pas négligeable. Mais je suis aussi apprécié parce que je sais tenir une conversation, parce que j'ai un vécu. Et il ne faut pas oublier que les femmes de ce milieu ont mille occasions de rencontrer des hommes. Je ne suis pas le premier sur leur route. (…) Il y a quelques semaines, je devais dîner avec Ivana Trump. Puis nous avons appris le décès de la princesse Soraya. Le souper a été annulé. Le cœur n'était pas à la fête. Mais il est vrai que plusieurs personnes ont pensé qu'elle avait agendé cette soirée pour se rapprocher de moi. Mais, je le répète, seule compte à mes yeux la peinture dans laquelle j'investis toute mon énergie et mes forces. Je ne suis ni un gigolo ni un mignon. Rappelez-vous qu'il fut un temps où les artistes vivaient soutenus par des rois et quelques privilégiés !

16.12.01 Le Matin Robert Habel Jérôme Rudin s'éloigne 834

Cette fois, il a atteint un nouveau seuil. Largué les dernières amarres provinciales avant la consécration internationale, mondiale et mondialisée, que mérite son immense talent

22.12.01 Le Temps Isabelle Cerboneschi Ru-dindons de la farce 1959

Autour de ce totem piscicole, les invités bavardent en picorant, tandis que le photographe fait son travail. «Venez poser pour la photo, me dit soudain une employée. Elle va paraître dans le journal de dimanche. Vous aller représenter les admirateurs et les acheteurs de J. R.»

03.02.02 Le Matin Robert Habel Jérôme Rudin s'installe à Morat 3672

DÉMÉNAGEMENT Surnommé «le Mozart de la peinture» par la presse française, le jeune artiste quitte sa Lausanne natale pour s'établir à Morat.

26.05.02 Le Matin Robert Habel Un nouveau Rudin pour Ivana Trump ! 2126

Le jeune artiste vaudois vient de livrer un nouveau tableau à l'une de ses fans les plus enthousiastes : la millionnaire américaine Ivana Trump, qui possède déjà deux de ses œuvres sur son yacht. Réception sur le pont du bateau, entre «happy few» triés sur le volet. (…) Dans le Vieux-Port, à côté du Palais du Festival. Jérôme Rudin, le jeune artiste vaudois surnommé «le Mozart de la peinture», attend sagement au pied de la passerelle. Déchaussé, comme le veut la tradition, et accompagné d'un ami, qui l'aide à porter les trois tableaux qu'il a emportés. (…) Il a rendez-vous avec la maîtresse des lieux, Ivana Trump, 50 ans, légende vivante du rêve américain. (…) Un choix rondement mené, Ivana Trump flashant aussitôt, avec toute la sûreté de la redoutable femme d'affaires qu'elle est incontestablement, sur une toile consacrée au nouveau thème de Jérôme Rudin : l'univers du cigare.

29.05.02 24 Heures Alain Walther Rudin monnaie ses adresses 3420

En août 2000, il s'alloue les services de Jérôme Rudin, peintre et mondain. À la lecture des rubriques people romandes, il a découvert le pinceau lausannois de la jet-set sans frontières. Le financier veut rencontrer des gens riches et célèbres… (…) Le peintre apporte son carnet d'adresses et ses contacts, son press-book, la fondation s'engage à ne jamais oublier le nom du peintre lors de chaque article de presse. C'est chic ! Mais comme il faut bien vivre, pour les petits frais de l'artiste, l'IFIDS verse 10 000 francs

13.06.03 Le Nouvelliste Gilles Berreau Le peintre Jérôme Rudin a ses habitudes à Yvorne 7134

Admiré par certains, décrié par d'autres, mais surtout jalousé par beaucoup, il est pourtant indéniablement investi par un besoin créatif. (…) Si certains de mes clients sont célèbres aujourd'hui, tant mieux pour moi, cela fait parler de mes tableaux. Mais je n'utilise pas ces gens pour me faire valoir. Jamais. Je pourrai exposer à Londres ou New York demain. Mais je veux réaliser mon propre parcours.» (…) Rudin est-il un artiste au parcours fulgurant ou un arriviste utilisant l'art comme un prétexte pour s'imposer dans la jet-set et mener grand train de vie ? Beaucoup se posent cette question. Lors de notre rencontre, Jérôme Rudin s'est imposé comme un véritable créateur. Sa démarche artistique est indéniable et répond à un besoin vital. Il suffit de prendre le temps de parler avec lui de ses toiles, plutôt que de ses conquêtes féminines. Le reste est affaire de goût.

30.06.02 Le Matin Olivier Grivat Du bistouri au pinceau 141

Parmi eux un connaisseur, le «peintre de la jet-set» Jérôme Rudin…

19.10.02 Le Matin P. Di Lenardo, G. Sammali Entre critiques et louanges 481

«D'inutiles ambassadeurs» Jérôme Rudin, Artiste peintre «Ayant vécu l'Expo.02 de près, puisque j'ai installé mon atelier à Morat depuis une année, j'en tire un bilan tout à fait extraordinaire. C'était une réussite artistique mais aussi technologique. Le choix de créateurs tels que Jean Nouvel est à saluer. Mon seul regret est qu'Expo.02 ait nommé cinquante ambassadeurs qui n'ont pas fait leur travail. La promotion de cet événement à l'étranger n'a ainsi pas été réussie du tout.»

27.10.02 Le Matin Bertrand Monnard Rudin : et maintenant un parfum ! 2654

Entre ses rendez-vous d'affaires et ses heures de solitude passées à peindre, Jérôme Rudin (28 ans) n'en peut plus. Encore heureux qu'en Suisse ses déplacements en Range Rover avec chauffeur lui permettent de gagner un temps précieux. Mais, là, devant une coupe de champagne, il tient, au bar du Palace de Lausanne, à nous révéler, en exclusivité mondiale, l'actualité qui lui tient le plus à cœur (…) D'une récente expo à Singapour, Jérôme a gardé la certitude qu'aujourd'hui les goûts féminins vont au fruité oriental, d'où ce cocktail papaye, jasmin, bois de rose. «Le parfum exprime ma sensibilité», dit-il. «Mais combien ça coûte ?» ose-t-on, trivial. «Très cher. Mais j'ai trouvé un gros sponsor en la personne d'Henri-Ferdinand Lavanchy, le propriétaire du golf de Bonmont, l'une des plus grosses fortunes suisses, et de sa femme, Bijou.»

24.11.02 Le Matin Olivier Grivat Parfum d'artiste chez Castel 1881

Après les parfums Salvador Dali et Andy Warhol, le parfumeur parisien Jean-Pierre Grivory a conçu une fragrance tout exprès pour Jérôme Rudin.

25.01.03 Tribune de GE XXX Gstaad, station festive 458

...le bijoutier consacre une exposition au peintre Jérôme Rudin, un artiste d'origine romande renommé dans le monde entier.

30.05.03 Le Temps Sylvain Besson Jérôme Rudin, les failles d'une réussite mondaine 8991

Le peintre lausannois rencontre un succès mondain grandissant, mais laisse derrière lui de mauvais souvenirs tenaces. (…) À Lausanne, Jérôme Rudin reçoit dans la villa de sa compagne, son aînée de 20 ans. (…) Jérôme Rudin est l'un des rares initiés à le dire ouvertement : pour se faire accepter de la jet-set, il faut dépenser - beaucoup. La soirée de lancement de son parfum chez Castel, un restaurant parisien, lui a coûté 100 000 euros, dont 40 000 pour faire venir l'actrice italienne Ornella Muti. (…) Philippe Nordmann, d'abord : le collectionneur genevois lui a offert son premier boulot, comme vendeur de pain à La Placette. (…) Nancy Chopard a permis à Jérôme Rudin de faire la rencontre la plus importante de son existence : celle de Massimo Gargia, un Italien bon vivant qui a fait de l'organisation de soirées son gagne-pain. (…) Mais il est surtout connu pour avoir été durant des années le gigolo de la jet-set, une activité qui, selon Jérôme Rudin, n'a pas été totalement abandonnée : «Son job, c'est de trouver des compagnons pour les femmes», dit-t-il avec une candeur caractéristique. (…) Sommé d'expliquer sur M6 le succès de son protégé, Massimo Gargia a lâché : «le sexe». Il a précisé sa pensée au Temps : «Il est beau, il est jeune, il a du sex-appeal et ça aide dans le travail. J'ai toujours cru en son talent, il est très travailleur malgré les apparences. Il me rappelle ma jeunesse.» (…) Par contre, le jeune homme s'est souvent vu accuser, en Suisse romande, de laisser ses factures en souffrance. En 2003, selon un extrait de l'Office des poursuites de Lausanne, il est toujours poursuivi pour plus de 8000 francs. Parmi ses créanciers, on trouvait il y a quelques années des magazines sur papier glacé comme Hors-Ligne : Jérôme Rudin y avait sollicité un publi-reportage qui a mis un temps infini à être payé. (…) «Il vit au-delà des moyens qu'il n'a pas», rétorque une connaissance qui note que beaucoup de ceux qui ont cru au peintre ont fini par s'en repentir. (…) «Il était très prometteur, mais son art m'a déçu. Il s'est servi de mon carnet d'adresses, il a appelé l'un de mes fournisseurs en croyant qu'il était collectionneur, pour qu'il achète une toile. Lors de la seconde exposition, il décrochait les œuvres pour aller les vendre à l'extérieur, sans reverser l'argent à la galerie. Il a fini par me payer en tableaux.» (…) ...téléphonant à un journaliste, il se réclame d'un confrère qui ne le connaît pas ; l'un de ses catalogues récents cite sans les dater les propos élogieux de la critique Françoise Jaunin, qui l'a entre-temps accusé de plagiat» (…) «Je ne suis pas rancunier, j'avance, je me bats, je me ramasse des coups tous les jours. Je suis allé dans des milieux que les gens qui m'attaquent ne fréquenteront jamais. Je n'ai pas eu peur du ridicule. Que peut-on m'enlever, à part la vie ? Le ridicule ne tue pas.»

31.08.03 RSR1 Yvan Frésard La soupe est pleine

«J'ai fait mon propre chemin en prenant des risques : je suis parti à l'étranger.» «Tout le monde essaie de faire partie de la jet-set : vous [Yvan Frésard] vous faites partie de la jet-set vaudoise.»

27.11.03 L'Hebdo Sabine Pirolt Luxe, look et simplicité 4540

Jérôme Rudin Sa maîtresse d'école avait prédit son destin d'artiste. Lui rêvait de devenir médecin. Il est devenu «designer de la vie» et «jet-setteur». (…) Il ne vend rien mais fait la connaissance d'une «Lady» qui a un carnet d'adresse fabuleux. «Elle avait de la tendresse pour moi et trouvait que j'avais de bonnes manières.»

1.12.03 L'impartial Sophie Bourquin Jérôme Rudin a trouvé un nouvel objet source d'inspiration 2596

Après les vases chinois, Jérôme Rudin, le peintre préféré de la jet-set parisienne, explore l'univers mystérieux du violon. La nouvelle passion de Jérôme Rudin, c'est le violon.

10.12.03 L'Illustré Blaise Calame Tout le monde au violon 837

«Je n'en revenais pas d'être capable d'attirer autant de monde à la campagne. J'ai mis quarante-huit heures à réaliser !» confie l'artiste lausannois Jérôme Rudin, dont l'exposition chez Pierre-Yves Gabus, baptisée non sans humour Ali Baba et ses 40 valeurs, a réuni du très beau linge lors de son vernissage à Montalchez (NE).

La compétence professionnelle des véritables spécialistes ne peut être mise en cause. Lorsqu'un critique d'art est autorisé à parler du jeune Jérôme, il n'en reste rien : «Quand il s'est mis à taquiner le pinceau, au début des années 1990, Rudin pouvait faire illusion avec sa fougue d'apprenti-sorcier qui s'emparait des couleurs et matières avec une belle gourmandise. Il avait, disait-il, le projet de s'inscrire dans une école d'art. Mais voyant que les portes de sa terre promise s'ouvraient comme par enchantement, il s'en est épargné le détour et la perte de temps. Aujourd'hui, pour pouvoir exposer beaucoup sans négliger sa vie mondaine, il bâcle des toiles inconsistantes dont les effets de "patte" et le côté "jeté" ne trompent que les regards assez ingénus pour y voir un tempérament d'artiste et des airs de modernité branchée.» (2) «Midas, prétend la légende, avait reçu des dieux le don de changer en or tout ce qu'il touchait. Rudin, lui, transforme, en capital-amitié la moindre barbouille qui sort de son atelier. (…) Dommage que parmi ses amis, il ne s'en trouve pas un pour dire à Rudin de ranger ses Prismalo. (…) Calibrées pour se fondre dans les intérieurs grand luxe, ses kitcheries pathétiques n'ont ni âme ni technique. Le pire reste que ce vinaigre parvient à attraper les mouches. Même celles qui se piquent d'appartenir au cercle des amateurs éclairés.» (3). D'autres authentiques journalistes sauvent l'honneur de la profession en révélant les petites combines minables de l'escroc mondain (4). Pour quiconque veut se faire une opinion de la valeur des «œuvres» du gandin barbouilleur, il ne faut quelques secondes pour faire apparaître ces propos définitifs sur l'écran de son ordinateur…

Mais la plupart des rudinismes sont l'œuvre de journalistes ou de pigistes à tout faire, dont la seule compétence semble bien être la polygraphie à jet instantané ou la fréquentation des réceptions mondaines. (Le carton d'invitation tient-il alors lieu de salaire ?)

L'apothéose : Rudin artiste d'État vaudois
adoubé par le Journal Officiel lors de la grandiose
liturgie quartocentennale ("24 Heures", 3 juin 1999)

L'accouchement laborieux d'un people romand

Dans ces articles-là, pas question de parler de peinture (des goûts et des couleurs…), ni de tracer une trajectoire significative. La bonne vieille biographie méritocratique ou vengeresse appartient définitivement à l'enfer du didactisme, crime contre la pensée moderne. Il faut remplir les espaces interstitiels entre les annonces avec le meilleur rendement prix-audience.

Dès lors qu'un média a mis en exergue une créature un tant soit peu glamour, les autres s'empressent de multiplier à l'infini son image. Si des miroirs, fussent-ils de poche, apparaissent à l'étranger, la machine s'emballe, et les citations de citations, les reprises et les répliques se répondent dans une gigantesque chambre d'échos. Bientôt les hebdomadaires succèdent aux quotidiens, radio et TV s'en mêlent. Toujours en dehors du champ artistique, bien entendu. À la nullité cachée du peinturlureur correspond ici l'incompétence masquée de ses faire-valoir.

La réapparition fréquente des mêmes signatures au cours de l'épopée rudinienne est un autre phénomène frappant : Anne-Marie Philippe, Olivier Grivat et quelques autres sont manifestement des experts en rudinologie, qui reviennent sans cesse à leur sujet, répétant d'une manière lassante les mêmes poncifs. Certains dévoilent même incidemment à quel point leur prose s'apparente à un échange de bons procédés : JR sollicite, on accepte, en faisant parfois des manières. Ainsi JR maintient sa notoriété et l'article est facilement rédigé.

La Suisse romande est, nous répète-t-on, sous-développée en matière de presse à célébrités. L'hilarant Rothenbuehler a manifesté la ferme intention de combler cette lacune en créant un magazine people romand. Le passionnant Passer, promu patron de "L'Illustré", veut «produire» du people local, au lieu de seulement écouler les marchandises étrangères. Nous avons de beaux jours devant nous…

Si la religion était autrefois l'opium du peuple, on peut dire que cette «actualité»-là s'apparente manifestement au commerce des drogues douces : même accoutumance sans grand danger, même prix dérisoire de la matière première, mêmes bénéfices surmultipliés à l'arrivée. Dans leur dépendance croisée à l'égard de leurs fournisseurs, les journalistes tombés dans ce vice jouent le rôle du toxicomane-dealer. En plus, ils ont certainement honte de ce qu'ils écrivent.


Jean-Frédéric Bonzon, "La Distinction", no 100, 14 février 2004

(Les morceaux choisis du tableau 2 ont été légèrement raccourcis lors de leur publication.)

  (1) «Si Christophe Blocher a des comptes à régler, ce n'est pas tant avec ceux qu'il a attaqués pour faire des voix &endash;les étrangers, les criminels, les socialistes&endash; mais plutôt avec ses pairs : les riches, les banquiers, les entrepreneurs. Ce gagnant a une qualité qui le distingue de tous les autres : il est totalement indépendant (…)» "Le Matin", 11 décembre 2003.

(2) Françoise Jaunin, "24 Heures", 29 mai 2002

(3) Emmanuel Grandjean, "Tribune de Genève", 7 octobre 2000

(4) Alain Walther, "24 Heures", 29 mai 2002